Je t’aime Paris, mais j’ai décidé de te quitter

La lettre de Muriel à notre belle capitale : Paris je t’aime mais je te quitte. Un beau témoignage 🙂

“Chère amie,

Cela fait maintenant 20 ans que je vis avec toi. Nous sommes un vieux couple et je peux donc être tout à fait sincère avec toi. Tu m’as donné beaucoup de bonheur. C’est grâce à toi que j’ai trouvé du travail, que j’ai rencontré l’amour et mes merveilleux amis.

Quand je t’ai connue, tu m’impressionnais grandement. Je suis passée des rues d’un petit village perdu en Seine-et-Marne à tes bras tumultueux et le choc n’en fut que plus fort. L’ennui que j’avais ressenti pendant mon adolescence, vécue au milieu des champs et près d’une ville, ni belle, ni spécialement intéressante, s’est immédiatement dissipé. Avec toi, j’ai découvert l’énergie citadine, la culture à foison, la vie nocturne et les rencontres incessantes. On peut dire que j’en ai sacrément profité !!

Le monde entier vie (et vibre) en toi et c’est pour ça que je t’aime. Grâce à toi, j’ai croisé des gens de NY, de Polynésie, je me suis fait des amis du Portugal, de la Réunion, du Canada et de toutes les régions de la France. Tu as toujours été très accueillante et je ris quand j’entends les habitants des villes de province regrettent l’afflux des parisiens. N’es-tu pas celle qui les reçois le plus volontiers quand ils font des études ou cherchent du travail ? Même si beaucoup viennent sans plaisir, simplement parce que tu centralises à toi seule la moitié de l’économie française et qu’il faut bien remplir le caddie…

Ne sois pas vexée ! Car je fais partie de ceux qui sont restés par amour pour toi, et sans regret. Il y a des lieux en toi que je connais par coeur, d’autres que j’ai beaucoup fréquentés un temps, parce que je sortais avec quelqu’un qui y vivait, et où je n’ai plus jamais remis les pieds après la séparation, d’autres enfin où je ne suis jamais allée en 20 ans de vie commune. C’est étonnant de se dire que je vais te quitter sans te connaitre totalement !

Je ressens une certaine mélancolie, déjà, en pensant que tu aurais continué à m’étonner si nous étions restées ensemble. Je me rappellerai des nuits blanches passées au REX CLUB quand j’avais 20 ans et alors que j’allais en cours le lendemain. Je me rappellerai de l’arrivée des soirées de filles “Chic”, inspirées par la série THE L WORLD, qui n’existaient pas avant et qui ont fait le bonheur de mes copines et l’effervescence de mes 30 ans. Je me rappellerai de toutes les manifestations auxquelles j’ai participé : pour la défense du climat et le mariage pour tous, contre la guerre, Le Pen au second tour, le terrorisme, etc… Et la plus mémorable de toutes : cet incroyable rassemblement du 11 janvier 2015 durant lequel nous avons cru qu’un autre monde était possible.

Ce sont les souvenirs de toi que j’emmène dans mes cartons car malgré tout ce que nous avions à partager encore, je te quitte bientôt. Parce que si tu donnes beaucoup, tu prives beaucoup aussi : d’espace, d’horizon, d’air, de soleil, d’arbres, de mer, d’animaux et de nature. J’ai attendu que tu fasses des efforts pour améliorer mon quotidien mais tu es trop longue à bouger, trop lourde à changer et je ne peux plus supporter les millions de véhicules qui s’engouffrent en toi chaque jour et qui polluent l’air que je respire. Dans mes souvenirs, j’emporte d’ailleurs un après-midi ensoleillé de juin où notre voiture, pleine d’amies et de ma fille, a fait 15 kms en 5 heures parce qu’elle s’est retrouvée dans un monstrueux embouteillage.

Je t’assure que ça me rend dingue ce temps perdu et stressant qui pourrait être vécu autrement. Je te quitte pour une autre qui te ressemble mais qui a l’avantage d’être plus petite que toi et d’avoir tout à prouver. Tu me diras que j’ai vieilli, et c’est la vérité : j’aspire à une vie plus apaisée désormais, une vie à laquelle tu ne corresponds plus.

Prends soin de ceux que j’aime, continue à époustoufler ceux qui te découvrent et ne sois pas triste d’être quittée car tu es irremplaçable et je reviendrai te voir bien souvent.

Très affectueusement,

Muriel

Publié le 21 Juil, 2016